Compte-rendu du Webinar du  21 septembre  2021 organisé dans le cadre du Lab.UC, créé par SeaBird avec ses partenaires Aramis, NeoXam, Quantalys et Vermeg. La Finance durable est devenue un passage obligé pour les acteurs de l’épargne en unités de compte.  Comment faire face au défi réglementaire et aux enjeux technologiques, en lien notamment avec la gouvernance de la donnée ? Comment adapter son offre à la forte demande des investisseurs ? Quels sont les impacts de ces évolutions sur les acteurs ? 

Ce Webinar a réuni : 

  • Anne-Hélène Le Troquer, Associée au sein du cabinet Aramis 
  • Sandra Guiraud, Responsable Grands Comptes chez Neoxam 
  • Mathilde des Courtis, Directrice de l’Offre Transformation chez SeaBird. 

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Finance durable : un cadre réglementaire en pleine mutation et un immense défi de mise en œuvre  

L’enjeu est de trouver un équilibre entre standardisation / homogénéisation de la donnée ESG et limitation des effets négatifs dus à une réglementation qui serait trop contraignante ou peu lisible. 

Depuis 2015 et le vote de la Loi Transition Energétique, la France a instauré un cadre réglementaire pionnier quant à la transparence des informations extra-financières aux investisseurs, exigeant par exemple la prise en compte des critères ESG dans les politiques d’investissement et de gestion des risques. La France va encore plus loin avec la Loi Energie-Climat de 2019 et fait ainsi figure de précurseur, influençant les textes désormais adoptés à l’échelle continentale (SFDR, règlement Benchmark, Taxonomie…). 

Face à cette réglementation en construction en France comme en Europe, et un dispositif de sanction encore fondé sur le principe « comply or explain », les acteurs de marché ont intérêt à opter pour une mise en œuvre dynamique et prospective en anticipant l’évolution législative de la finance durable a minima d’ici à 2023. 

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Finance durable : l’enjeu de la donnée extra-financière

Le marché de l’investissement durable connaît une croissance rapide, mais sa crédibilité dépend de la qualité et de la fiabilité de la donnée extra-financière utilisée. La collecte et l’analyse de ces données sont essentielles, et impliquent 3 enjeux principaux : maîtrise de l’information et du schéma directeur IT, qualité de la donnée, coût du reporting. 

Comment concrètement se mettre en conformité (réponse pratique liée à la gouvernance de la Data) ?

Définir une stratégie ISR, c’est aujourd’hui avant tout définir une stratégie de données extra-financières. La première étape consiste à choisir un fournisseur de données adapté à la stratégie ESG de l’entreprise (taux de couverture, qualité de la donnée, niveau d’analyse, coût). Il s’agira ensuite de définir les critères à observer, l’utilisation de notes ou la mise en place de scorings propres ; pour finalement gérer cette donnée au travers d’un outil de Data Management. 

Les législateurs et régulateurs participent actuellement à une harmonisation de la donnée extra-financière. Si les objectifs et modes de sélection utilisés sont souvent encore très disparates, la mise en place de labels contribue à une convergence, tout comme les réglementations telles que SFDR et Taxonomie qui précisent un certain nombre de critères et calculs. L’enjeu est donc de développer un outil évolutif et flexible pour permettre d’assurer rapidement les travaux que nécessiteront les évolutions du suivi de l’ESG. 

Finance durable : normalisation et gouvernance de la data, 2 enjeux majeurs 

Enjeu 1 – Normalisation de la Data

Il faut disposer d’une vue centralisée et fiable de la donnée extra-financière pour produire l’ensemble des KPI nécessaires au reporting réglementaire. 

L’utilisation de plusieurs sources fait que les offres restent hétérogènes, il faut donc entreprendre un travail important de normalisation. Il y a 2 niveaux de normalisation : le premier au niveau de la collecte et de la sélection, le second autour de la dérivation de sources de données afin d’en extraire un critère ESG. 

Enjeu 2 – Mise en place d’une gouvernance data et d’une architecture SI adéquate

Gouvernance Data

La donnée ISR est cross acteurs, elle transite d’acteur en acteur, chacun possédant sa propre stratégie. Nous sommes confrontés à des sujets de disponibilité, de publication, d’historisation et de gouvernance de cette data. 

Gouvernance Produit 

La transparisation est essentielle pour déterminer le pourcentage de détention dans le sous-jacent, il s’agit d’un enjeu en soi. Il faut pouvoir adapter sa stratégie d’allocation, la justifier et pouvoir réallouer une partie de son portefeuille en matière RSE, en pouvant tracer les choix effectués sur la base d’une data innovante et hétéroclite (s’ajoute à cet égard un enjeu de formation et de compétence des équipes). 

Quelle méthodologie de gouvernance de la donnée adopter ?

1ère étape : Définir la responsabilité de chaque partie (Définir le RACI)

Il s’agit de choisir si l’on souhaite piloter ou contrôler la donnée, à quel degré l’internaliser ou la confier à un prestataire, à quel séquencement l’intégrer dans la chaîne de valeur opérationnelle, définir quel est son potentiel niveau d’hybridation. 

2ème étape : Structuration du modèle de données ESG

Il s’agit de normer la donnée afin qu’elle soit lisible par tout type d’application ou système. Cette étape est essentielle en cas d’utilisation de plusieurs sources ou de mise en place de règles de dérivation. L’objectif du modèle étant de pouvoir historiser et auditer la donnée. Il sera utile d’activer des fonctions de data lineage (capacité à voir le cheminement et le traitement de la donnée) avec possibilité de voir l’historique et les règles d’héritage pour un meilleur suivi de l’investissement.  

3ème étape : Construction de la solution  

Il s’agit enfin de mener une réflexion architecturale pour permettre une meilleure industrialisation des processus et gagner en efficience et en coûts. Cette réflexion doit prendre en compte les besoins et contraintes de chaque outil et métier pour chaque étape, de la récupération de la donnée jusqu’à sa mise à disposition. Cette transformation de l’architecture nécessite une étude des coûts qui sont à anticiper et à globaliser. Plusieurs modèles sont possibles : modèle interne, modèle une brique (stand alone) et vision bout en bout. 

Finance durable : place à l’innovation produit

La tendance est à la fois à une forte augmentation des volumes et à une diversification des classes d’actifs. Avec l’essor du marché des investisseurs particuliers, il est essentiel d’avoir une vision ISR sur l’ensemble des classes d’actif et donc une déclinaison par classe d’actif, c’est la première tendance. La seconde tendance est l’engagement commun des grands acteurs institutionnels autour de ces enjeux ISR. La troisième tendance est la thématisation de l’offre ISR.  

Dans ce contexte, les offres d’ETF thématiques durables font l’unanimité. D’autres propositions se développent. On peut citer les Green Bonds (GB) et les Sustainable Linked Bonds (SLB). Les SLB sont des titres de créance auxquels est rattaché un coupon et qui incitent leur émetteur à s’engager dans une trajectoire plus durable. A la différence des GB, le coupon des SLB augmente à une date prédéterminée si l’émetteur n’a pas réussi à atteindre les objectifs de durabilité fixés à l’émission. 

Finance durable : quel impact sur les acteurs ?

L’essor de la finance durable renforce les sociétés de gestion. Elles doivent continuer à maîtriser leurs expertises en analyse financière et développer leurs compétences en analyse extra-financière, chacune développe ses propres pratiques en construisant ses propres scores ou notes à partir de données brutes et chacune développe une expertise plus qualitative qui représente un enjeu de compétitivité. 

Pour les Data Providers, le bilan est plus mitigé. Le développement et l’amélioration continue d’un modèle standard de données comparables entraînera une disponibilité en open source des données ESG, une augmentation des sources alternatives pertinentes et un développement de services pour aider les sociétés de gestion dans l’engagement actionnarial. La couverture sera loin d’être complète au niveau global et international à moyen terme, il y aura toujours des « angles morts » à combler et donc d’autres sources seront nécessaires afin de couvrir certains marchés. 

Les assureurs ont un rôle crucial à jouer dans cette mue du marché, tant au travers des produits et services distribués qui comportent des supports compatibles avec les critères ESG que par la mobilisation des acteurs pour « verdir » leurs activités et leurs portefeuilles. La loi PACTE a offert de nouvelles perspectives dans ces domaines avec la création du statut de société à mission, déjà adopté par plusieurs acteurs du secteur.