Le 15 mars, le Parlement européen a ouvert la voie à l’adoption définitive de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), en entérinant plusieurs modifications. Proposée le 21 avril 2021 par la Commission européenne en amendement à la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), la CSRD vise à renforcer le reporting de durabilité (terme préféré à celui utilisé par la NFRD de « reporting extra-financier ») et à étendre le périmètre d’applicabilité.

Dans le même temps, et compte tenu des multiples exigences réglementaires en matière de données ESG, FinDatEx (Financial Data Exchange Templates) – une plateforme de diffusion de données financières créée par six organisations financières européennes – a lancé en février une consultation publique sur le nouveau European ESG Template, ou EET v1.0, un template spécifique d’échange de données ESG. La publication de ce template s’inscrit dans la dynamique de standardisation de la diffusion de données ESG avec, en toile de fond, une réglementation croissante.

Quelles sont les avancées de ces deux publications ? quels impacts les assureurs doivent-ils anticiper pour leurs reportings extra-financiers ?

CSRD : vers un renforcement du reporting de durabilité

La Commission des affaires juridiques du Parlement Européen a adopté le 15 mars 2022 sa position sur le projet de Directive CSRD, avec vingt-deux voix pour et une contre. Ce projet cherche à rendre les entreprises plus responsables de leur impact ESG (environnemental, social, sociétal et de gouvernance), en donnant aux investisseurs un accès à des informations comparables et fiables.

Harmoniser les données ESG

La CSRD fixe de nouvelles normes et obligations de reporting ESG pour plus de 50.000 entreprises en Europe. Les PME pourront s’en tenir à une information simplifiée et proportionnelle.

La CSRD a l’ambition de porter les informations sur la durabilité au même niveau que les informations financières. L’objectif est d’imposer des normes aux entreprises pour la publication de leurs données de performance ESG, qui soient communes, accessibles et contrôlées par les Commissaires aux Comptes (ou par un Organisme Tiers Indépendant).

En pratique, la CSRD vise à créer des standards précis de reporting de durabilité dont l’application sera obligatoire pour toutes les entreprises comprises dans le périmètre cible. L’harmonisation des données ESG sera possible par la définition des standards en matière de durabilité. Ces standards seront adoptés par acte délégué par la Commission européenne, sur l’avis technique de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group). Cependant, il reste encore des sujets à préciser : champ d’application de la Directive, définition des périmètres du reporting, changement des dates de mise en application, création des templates…

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CSRD : quelles étapes pour construire le reporting ?

Le reporting CSRD se déroule en plusieurs étapes :

Phase 1 : analyser l’existant. Cette phase implique la mise à jour des indicateurs ESG existants dans l’entreprise avec les évolutions liées à la nouvelle Directive ainsi que le diagnostic de l’existant afin d’identifier les différences à traiter.

Phase 2 : construire la vision cible. Cela passe par un travail collectif avec le management afin d’identifier les enjeux de développement durable pour l’entreprise, les risques et les opportunités. Cela permettra d’élaborer un plan d’action en lien avec la stratégie de l’entreprise et la cartographie de matérialité.

Phase 3 : définir une feuille de route qui identifie les actions et la comitologie à suivre.

L’information CSRD devra obligatoirement être fournie au sein du rapport de gestion, intégrée ou dans une section à part. Elle devrait respecter un format digital imposé. Le « tagging » comme système de classification sera compatible avec le « European Single Electronic Format » ou ESEF.

Méthodologie pour la mise en place des reportings selon les ambitions ESG de l'entreprise à long-terme

Figure 1. Une démarche en 3 étapes

CSRD : calendrier d’entrée en vigueur

L’entrée en vigueur de la norme a été repoussée d’un an. Le premier rapport sera publié en 2025 sur l’année fiscale 2024. La collecte des données devra donc commencer dès 2024. Le calendrier d’application de la Directive peut toutefois encore évoluer.

EET v1.0, le template ESG de FinDatEx

FinDatEx, créée par six organisations financières européennes (EFAMA, EBF, IE, ESBG, EACB, EUSIPA [1]), est destinée à produire et diffuser de nouveaux standards techniques d’échange de données financières (« Templates »). Ces dernières années, et face à la croissance des données ESG sous la pression de la réglementation, FinDatEx a jugé nécessaire la mise à jour du fichier EMTv4.0 (European MiFID Template Version 4) et l’élaboration d’un template ESG afin d’améliorer la transparence des données extra-financières. Le projet a été soumis à consultation publique en février 2022.

Cette première version du modèle d’échange de données ESG, appelé European ESG Template (EET v1.0), vise à répondre aux exigences du Règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et aux mises à jour de l’IDD (Insurance Distribution Directive, ou DDA en français) et de la MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive II), qui entreront en vigueur début août 2022. Il facilitera la collecte d’information et l’échange des données ESG requises entre les gestionnaires d’actifs et les distributeurs/assureurs.

EET v1.0, une approche en deux temps

FinDatEx a opté pour une approche en deux temps de l’EET, afin de prendre en compte les préférences dans le conseil aux clients en matière de durabilité et le processus de distribution :

  • contenu limité, couvrant les données et informations pertinentes pour IDD et MiFID II, introduisant le concept de « préférences des clients en matière de développement durable », à partir d’août 2022 ;
  • contenu complet, axé sur la mise en œuvre du Niveau 1 du Règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et des normes techniques de réglementation respectives (Regulatory Technical Standards, Niveau 2). Il est prévu d’intégrer les exigences dues à la réglementation Taxonomie (au quatrième trimestre 2022).

L’EET est donc un outil précieux pour obtenir les données ESG destinées à la production des reportings réglementaires de la finance durable.

Quels impacts du template EET v1.0 pour les acteurs de marché ?

La mise en place du Template EET v1.0 aura plusieurs impacts opérationnels pour les institutions financières qui devront fournir un reporting de durabilité : compagnies d’assurance, distributeurs, fonds de fonds, conseillers en investissements financiers, sociétés de gestion, etc.

Grâce à ce Template, les institutions financières bénéficient de données structurées et normalisées, ce qui facilite leur comparabilité. Dans une logique réglementaire, cela permettra d’établir les reportings conformément à la nouvelle réglementation. Cela permettra également de définir et piloter des indicateurs de performance.

Conclusion : vers la fin du greenwashing ?

La transition vers une économie plus durable repose sur une modification en profondeur du secteur financier, afin d’incorporer les critères ESG. Elle repose aussi sur l’engagement des entreprises qui devront désormais publier leur politique environnementale, sociale et de gouvernance dans des documents standardisés, justifiés et certifiés par les auditeurs. Cela donne plus de transparence aux investisseurs et aide à mettre fin au greenwashing.

L’Union Européenne affirme ses ambitions pour limiter le changement climatique et établit les normes « extra-financières » de référence à suivre par ses États membres. L’enjeu pour la France est de conserver son rang de pionnière en matière de finance durable. Pour les entreprises du secteur financier, il s’agit d’utiliser cette opportunité pour changer leur business model et leur stratégie. Affaire à suivre…

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Référence

[1] EFAMA (European Fund and Asset Management Association). EBF (European Banking Federation). IE (Insurance Europe). ESBG (European Savings and Retail Banking Group). EACB (European Association of Cooperative Banks). EUSIPA (European Structured Investment Products Association).