L’intelligence artificielle se définit comme programme informatique visant à effectuer, au moins aussi bien que des humains, des tâches nécessitant un certain niveau d’intelligence[1].

Les instruments de l’IA peuvent se segmenter en deux sous-domaines :

  • l’IA symbolique basée sur l’utilisation des modèles de connaissances et la logique ;
  • l’IA basée sur l’apprentissage à partir des données observées et les réseaux neuronaux.

Ces dernières années la multiplication des données et la simplification de leur traitement ont permis le développement rapide des multiples applications d’IA. Nous assistons à une transformation d’ampleur comparable à celle qui s’est produit il y a plus de cent ans à la suite de l’invention de l’électricité.

Les secteurs de la banque et de l’assurance seront très largement impactés et pourront bénéficier de ces progrès technologiques. En assurance, l’IA peut être utilisée dans les métiers de front et back office, pour améliorer les processus opérationnels, le marketing et pour personnaliser l’expérience client.

Quelles priorités pour l’assurance ?

Le livre blanc de Finance Innovation distingue 18 domaines d’innovation prioritaires qui permettraient d’améliorer la compétitivité française dans les dix prochaines années. Nous avons sélectionné 10 de ces domaines correspondant aux besoins actuels de l’assurance.

Priorité 1. Relation client

1. Conseiller augmenté, coaching virtuel des collaborateurs et solutions de self-care

L’utilisation de l’IA présente de véritables opportunités pour améliorer la qualité de la relation client. Premièrement, les tâches répétitives et sans valeur ajoutée peuvent être déléguées aux assistants virtuels, ce qui permettra aux conseillers de se concentrer sur l’écoute empathique et de fournir des conseils plus adaptés.

  • DIP 2 : augmenter le conseiller face aux clients, p.36

Deuxièmement, dans le contexte des évolutions réglementaires et commerciales, un coaching virtuel des conseillers répondra aux problématiques de la gestion des compétences et de la conformité.

  • DIP 3 : augmenter le collaborateur, p.39

En outre, dans le nouvel environnement numérique les clients peuvent réaliser beaucoup d’actions de manière autonome en étant  orientés par des solutions automatisées. L’assureur peut proposer différents parcours client grâce à des instruments de communication multicanaux, de sorte que le client puisse choisir les solutions les plus adaptées à ses besoins et à son contexte.

  • DIP 4 : proposer le « self-care », p.40,
  • DIP 5 : solliciter le client par l’IA, p.42
  • DIP 6 : optimiser la distribution omni-canal, p.46

2. Aspects technologiques et organisationnels

Cette évolution de la relation client nécessite des développements technologiques et une transformation des interactions entre les humains (collaborateurs ou clients) et les technologies.

  • DIP 10 : vers un dialogue humain-machine empathique, p.58
D’un point de vue technologique, toutes ces transformations sont fondées sur l’utilisation des interfaces humain-machine qui peuvent être usuelles (textuelles, graphiques, vocales) et gestuelles, tactiles ou en réalité augmentée/virtuelle.

Les solutions existantes (chatbots et autres agents conversationnels) utilisent les discussions guidées d’après un workflow prédéfini, les algorithmes basés sur l’apprentissage machine et sur les règles d’interaction des humains ainsi que les technologies issues de jeux vidéo. Néanmoins, des progrès restent à réaliser pour créer les solutions véritablement efficaces en matière de reconnaissance des émotions, des intentions et de génération de réponses adaptées au contexte. Par exemple, dans le cas du self-care, les principales problématiques seront l’anticipation des besoins et des actions des clients ainsi que la suggestion des solutions adaptées.

Les enjeux sont également humains : acceptabilité de l’IA par les conseillers, accompagnement au changement, supervision et éventuelle modération des assistants virtuels par les humains. Dans le cas du self-care, la possibilité de retour vers un interlocuteur humain devrait être garantie.

Priorité 2. Conformité : gestion des risques et gestion des données

L’environnement actuel est caractérisé par une forte incertitude ainsi que par des échanges nombreux et complexes entre les multiples acteurs. Dans cette situation, la vision juste et consolidée de l’ensemble des risques est un des principaux enjeux pour les acteurs de la finance et de l’assurance. Elle constitue un réel instrument de gestion des crises et de retour à l’équilibre économique. En outre, du côté de la relation clients les offres plus personnalisées sont recherchées. Paradoxalement les clients sont très attentifs à l’utilisation et à la protection de leurs données personnelles.
Les principales problématiques liées à la conformité concernent donc la gestion des données. Il s’agit, par exemple, de la connaissance des clients, du respect des réglementations, de la lutte contre la fraude, le blanchiment, le financement du terrorisme et l’évasion fiscale.

  • DIP 7 : simplifier la mise en conformité et faciliter la gestion des risques, p.50

Les solutions proposées concernent la création

  • D’acteurs spécifiques qui collecteront, agrégeront, fiabiliseront et sécuriseront les données (les hubs des données au niveau national) ;
  • Des partenariats entre ces acteurs, les banques et les compagnies d’assurance.

Priorité 3. Evolutions organisationnelles : impacts sur les systèmes d’informations et sur les ressources humaines

1. Impacts sur les ressources informatiques : les bases de données et les systèmes d’information

 

1.1 Traitement des données

Les évolutions liées à la gestion des données utilisées par l’IA s’articulent autour de plusieurs axes sources d’opportunités économiques.

  • DIP 16 : collecter, qualifier, exploiter et partager les données, p.82

Premièrement, les entreprises ont besoin de données de qualité pour permettre le développement et l’entraînement des algorithmes fondés sur l’apprentissage automatique. En même temps, l’ensemble de l’économie a besoin de passage à l’échelle et de la cohérence de diverses bases de données, de leur évolution et maintenance. Cela renvoie au besoin de création des hubs de données au niveau national.

Deuxièmement, les entreprises devront mettre en place les systèmes de gestion des connaissances, c’est-à-dire les outils qui collecteront, vérifieront, valideront, partageront et préserveront les informations. Ces informations pourraient servir aux fins de l’activité technique ou financière de l’entreprise (les informations sur les actualités, les sinistres ou encore les événements sur les marchés) ou être utilisées pour la communication interne et externe.

Enfin, des progrès sont à réaliser dans la sphère de la transformation automatisée des contenus pour pouvoir produire les synthèses et les traductions de textes comparables à celles produites par les humains.

1.2 Intégration de l’IA au sein des systèmes d’information, le rôle de la DSI

L’intégration industrielle de l’IA au sein des systèmes d’information existants est un vrai défi.
  • DIP 17 : intégrer l’IA dans un SI, p.88

Les développements qui existent actuellement dans les entreprises sont souvent réalisés de manière plus ou moins isolée au niveau des métiers. Le traitement des données est aussi dispatché dans les différents services, structures et logiciels.

Les améliorations peuvent s’articuler autour de trois axes : la mise en place d’un système d’information cognitif centralisé, le désilotage des données et la création de relations de partenariat entre la DSI et les métiers.

2. Impacts sur les ressources humaines : les emplois et les compétences

Contrairement aux craintes, le recours aux outils basés sur l’IA ne supprimera pas le travail humain (bien que le débat sur le volume des emplois en risque d’automatisation ne soit pas terminé), mais nécessitera des actions importantes de requalification et de réorganisation.

  • DIP 11 : accompagner la transformation des métiers, p.62).

Il sera nécessaire de développer de nouvelles compétences,  de former les salariés et les acculturer à l’IA. Les compétences recherchées seront de deux types :

  • des compétences transverses et organisationnelles liées au contact humain-machine
  • des compétences socio-émotionnelles liées à l’empathie, au leadership et à la créativité.

Intégrer l’IA dans les systèmes actuels : enjeux et solutions

La révolution technologique liée à l’IA devra s’intégrer au sein des organisations existantes. Elle nécessitera l’adaptation du cadre juridique et réglementaire. En outre, elle soulève des questions éthiques :

A. Gouvernance

Dans les domaines de l’organisation et de la gouvernance, le développement de l’IA est régi par l’adoption de différentes réglementations comme par exemple le Règlement Général sur la Protection des Données. En France, il pourrait être envisageable d’ajouter la création de comités numériques au sein des entreprises aux recommandations du code Afep-Medef.

B. Ethique

La possibilité de non-maîtrise des systèmes de l’IA pose des questions d’éthique et de la protection contre la discrimination.

En 2018, la 40ème Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée a mis en place deux instruments visant à encadrer les aspects éthiques de leur activité :

  • La déclaration sur l’éthique et la protection des données dans l’IA
  • Le groupe de travail permanent sur les principes éthiques fondamentaux et la protection des données liés à l’IA.
En outre, le serment Holberton-Turing [2] propose un code éthique universel basé sur le respect de la vie et des sciences, l’inclusion et la transmission des connaissances.

Conclusion

Dans les prochaines années, les progrès de l’IA transformeront le monde de l’assurance, surtout en termes de relation client, de conformité et d’organisation. Si les bénéfices économiques de l’automatisation sont évidents, il reste encore des progrès à réaliser dans la gestion et la protection des données, l’articulation entre l’IA et les humains et l’encadrement juridique, réglementaire et éthique de l’utilisation de cette technologie.
La technologie de blockchain, qui permet des échanges plus transparents et sécurisés entre les entreprises, sera présentée dans la deuxième partie du document.

Nous vous invitons à découvrir la synthèse des enjeux et des propositions du livre blanc « Intelligence artificielle, blockchain et technologies quantiques au service de la finance de demain » récemment publié par Finance Innovation en trois parties :

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Notes :

[1] Villani, C. et coll. (2018) « Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne »

[2] Le serment Holberton-Turing regroupe des principes éthiques d’exercice de l’intelligence artificielle proposés en 2018 par deux experts, Aurélie Jean et Grégory Renard