Un succès en apparence, mais une adoption encore fragile
Selon le Baromètre de l’Épargne 2025 du Cercle des Épargnants, le Livret A reste le produit préféré des Français pour préparer leur retraite, devant l’assurance-vie et le PER. Ce dernier gagne en notoriété : 68 % des Français en ont entendu parler contre 49 % en 2022. Mais seuls 15 % d’entre eux en détiennent un. Une progression timide, alimentée surtout par les transferts d’anciens produits (PERP, Madelin, article 83) vers le nouveau dispositif, plutôt que par de nouvelles souscriptions. Selon ce même baromètre, seulement 11 % des Français envisagent de souscrire un PER.
Le PER se décline en trois compartiments : le PER individuel (PERin), le PER collectif (PERCOL) et le PER obligatoire (PERO). Cette architecture à trois volets, censée offrir souplesse et portabilité, manque surtout de lisibilité. Difficile pour le grand public de distinguer leurs logiques fiscales, leurs modalités de sortie et leurs conditions d’accès. Résultat : malgré ses atouts fiscaux (déductibilité au versement), le PER reste perçu comme un produit technique et rigide (blocage des investissements et fiscalisation à la sortie).
Des acteurs partagés entre contraintes et opportunités
Les assureurs, principaux architectes du PER, doivent jongler entre compétitivité, transparence et rentabilité. La réglementation Value for Money, qui s’applique à l’ensemble du produit depuis septembre 2025, les oblige à démontrer la pertinence globale de leurs offres, et non plus seulement celle des supports d’investissement sous-jacents. Une exigence qui renforce la protection de l’épargnant… mais pèse sur les marges et la capacité d’innovation des assureurs.
L’enjeu diffère selon le type d’épargne. Sur le PERin, la pression concurrentielle pousse à une baisse des frais et à plus de transparence. Sur les PER collectifs, les contraintes de gouvernance et les accords d’entreprise complexifient la mise en œuvre. Dans les deux cas, la pédagogie est essentielle pour encourager la confiance et les versements volontaires.
Quel rôle pour les distributeurs et régulateurs : accélérateurs ou garde-fous ?
Les distributeurs occupent un rôle clé. La Directive sur la Distribution d’Assurance (DDA), bien que non récente, fait l’objet d’une application renforcée depuis la recommandation émise par l’ACPR en juin 2024 : devoir de conseil accru, meilleure adéquation entre profil client et produit, obligation d’information claire sur les frais et les options de sortie. Combinée à la loi « Partage de la valeur » du 29 novembre 2023 – qui favorise l’accès à l’épargne salariale pour les PME –, elle renforce la relation entre épargnant et intermédiaire.
Le régulateur, quant à lui, agit comme un arbitre prudent. L’encadrement des frais, la standardisation des supports et la transparence accrue des performances s’inscrivent dans une logique de protection du consommateur. Mais ces mesures, plus contraignantes qu’incitatives, limitent la marge et la capacité d’innovation des acteurs à un moment où l’innovation est indispensable pour flécher l’épargnant vers l’économie réelle et la transition. En effet, l’Autorité des marchés financiers encourage l’intégration de critères ESG et la participation au financement de l’économie réelle, notamment via le non coté.
Le PER unique : un idéal de simplification encore inachevé
Le PER unique devait fusionner les dispositifs existants pour offrir une épargne retraite plus lisible et portable. En pratique, la promesse de simplification se heurte à des réalités techniques et juridiques : le PER individuel relève du Code monétaire et financier, tandis que les PER collectifs s’ancrent dans le Code du travail. Le PER obligatoire (PERO) est réservé à des salariés appartenant à une même catégorie objective définie par l’entreprise. Ces cadres distincts freinent l’unification complète du dispositif.
Pour les entreprises, l’intérêt du PERU réside dans la simplification administrative et la valorisation de la politique sociale. Pour les salariés, la centralisation de leur épargne retraite au sein d’une enveloppe unique offre une meilleure visibilité patrimoniale, sans être une obligation. Quant au choix entre PER assurantiel et PER bancaire, il repose sur la stratégie : le premier propose une gestion pilotée et une couverture décès, le second privilégie la liquidité et des frais moindres. Ces deux approches peuvent être complémentaires. Mais au-delà des considérations patrimoniales, il faut rappeler que le PER vise avant tout la préparation de la retraite, non une épargne de précaution.
Vers un PER 2.0 : digital, lisible et durable
Face aux limites du dispositif actuel, une nouvelle génération de PER semble inévitable. En effet, le marché du PER reste marqué par des processus encore très manuels, une information peu lisible pour l’épargnant et une offre où le critère de durabilité est souvent relégué au second plan. Le futur PER devra être plus digital, transparent et durable. Un PER 2.0 capable de conjuguer simplicité d’usage, clarté des frais et intégration des critères ESG dans les allocations. L’enjeu pour les assureurs et distributeurs sera d’allier performance, pédagogie et impact réel sur l’économie.
La réflexion autour du futur cadre réglementaire – notamment la discussion sur la liquidation obligatoire du PER à l’âge légal de départ en retraite prévue dans le projet de loi de finances 2026 – illustre les tensions entre protection de l’épargnant et liberté de gestion. Si la mesure venait à être adoptée, elle réduirait la flexibilité du PER et risquerait d’en diminuer l’attractivité. Entre rigueur réglementaire, incitations fiscales et innovation technologique, l’avenir du PER dépendra de la capacité collective à en faire un véritable outil de financement de la retraite et de l’économie réelle.